La littératie alimentaire

A la fin de l’article précédent, je vous citais le concept de littératie alimentaire. Aujourd’hui, j’ai à coeur de vous partager cette interview de Sophie Nicklaus car elle rend compte de mon point de vue et de la vision que je me fais de mon métier !!

Cette vidéo est issue du MOOC : Alimentation et environnement : quelle éducation au développement durable ? semaine 1 – épisode 4 : “Naviguer dans système
alimentaire complexe : le rôle de la littératie alimentaire dans l’éducation
des enfants et des adolescents. » Vidéo sous licence BY NC ND : Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification.

Sophie Niklaus est directrice de recherche à l’INRAE au Centre des sciences
du goût et de l’alimentation à Dijon. Elle y dirige l’équipe “Déterminants du comportement alimentaire au cours de la vie, relation avec la santé”.

Ses travaux actuels mettent en avant le concept de littératie alimentaire ou alphabétisation alimentaire, l’ensemble des capacités pour l’individu à naviguer dans un système alimentaire de plus en plus complexe. On distingue trois types de compétences: les compétences relationnelles, fonctionnelles et critiques.

Les compétences relationnelles en alimentation

C’est ce qui va relier le mangeur au système alimentaire, sa connaissance du système culturel, son rapport au plaisir dans l’alimentation, via l’éveil au goût. Personnellement là-dedans, j’y mets la connaissance de l’écosystème alimentaire du mangeur, notamment toutes les sources de production d’aliments et d’approvisionnement. L’agriculteur du coin, le voisin qui offre les oeufs de ses poules, l’hypermarché, le marché forain, l’AMAP, le primeur au coin de la rue, la Ruche qui dit oui à côté du travail et tous les intermédiaires de transformation.

Les compétences fonctionnelles en alimentation

Nommées en anglais “Food Skills”, ce sont les compétences culinaires, la capacité de faire, de comprendre, connaître l’origine des aliments, être capable de les traiter, de les manipuler, de les préparer, de les transformer pour faire un repas, avec notamment la planification.

C’est quelque chose que j’aime beaucoup développer chez les enfants, dès la crèche : presser, éplucher, râper, zester, étaler, malaxer…

Les compétences critiques en matière d’alimentation

C’est la capacité de l’individu à prendre du recul, à porter un regard critique sur l’alimentation pour comprendre par exemple la qualité nutritionnelle des aliments qui sont consommés, ou alors l’effet des aliments sur l’environnement en lien avec leur production (notion d’alimentation durable). Ces compétences critiques ne peuvent être déployées qu’à partir de 7-8 ans, il n’est pas pertinent de proposer de l’éducation nutritionnelle en maternelle, mais bien de l’éducation sensorielle ou des compétences fonctionnelles comme jardiner. Développer les compétences critiques en matière d’alimentation chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte, c’est l’aider à devenir un mangeur conscient et un consommateur éclairé sur la base de mon adage préféré :

Manger c’est changer le monde trois fois par jour.

On pourra donc animer une fresque des aliments ultratransformés au collège pour offrir des éléments de connaissance à des mangeurs appreuvés d’un marketing aggressif en faveur de ces aliments ultra-transformés, souvent nuisibles à la santé et à l’environnement.

Responsabilités partagées : la littératie alimentaire ne résoud pas tout !

Si j’ai eu envie de vous partager cette vidéo, c’est surtout pour la mise en garde de Sophie Niklaus :

Le danger ou la contrepartie, c’est que ça fait reposer sur leurs épaules une grande partie de la responsabilité dans les choix qui vont déterminer les comportements alimentaires. […] ça ne doit pas être le seul élément de la politique publique.
La politique doit aussi se charger de favoriser des environnements alimentaires plus sains et plus durables en prenant un certain nombre de mesures réglementaires pour garantir la qualité
de l’environnement alimentaire que les produits sont sains, sûrs, pour éviter justement la prolifération du marketing, et cetera, pour ne pas faire reposer toute la responsabilité sur les épaules des consommateurs et surtout quand les consommateurs sont des jeunes enfants […]

Sophie Nicklaus, MOOC Alimentation et environnement : quelle éducation au développement durable ? semaine 1 – épisode 4.

Elle pose une vraie problématique, que je rencontre tous les jours : comment peut-on proposer des programmes d’éducation à l’alimentation, notamment avec des financements Santé publique sans jamais agir sur l’accessiblité des produits nuisibles et leur publicité ?

Je me sens tendue à l’idée de faire reposer la responsabilité de l’acte d’achat et de s’alimenter sur des enfants et adolescents souvent captifs, avec des conséquences sanitaires potentielles sur leur vie durant… Qu’en pensez-vous ? Est-ce normal que Coca-Cola multiple ses publicités en lien avec les Jeux Olympiques par exemple ? Ou qu’une affiche présentant la carte de La Réunion situant les Burger King se retrouve visible dans une salle de classe ?

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