Ayant fait beaucoup d’ateliers d’échanges entre parents sur l’alimentation des enfants, je tente de structurer ici mes astuces et celles des parents…
Si les légumes ressortent statistiquement comme mal aimés, surtout lorsqu’ils ont la mauvaise idée d’être verts, cela peut être appliqué à toutes les familles d’aliments.
Vous et votre enfant mangez avec les 5 sens
Scoop. Heureusement que vous lisez cet article : vous venez d’apprendre un truc de dingue !
Plus sérieusement, on sait que certaines personnes sont plus visuelles, tactiles, auditives… C’est vrai pour retenir des leçons, mais c’est aussi vrai pour ressentir un attrait envers un aliment. Alors faisons ensemble le tour des 5 sens, avec quelques recommandations.
La vue, premier atout pour donner envie
Attention à la monotonie d’une assiette. Une étude scientifique anglaise a montré que les adultes préfèrent les assiettes comprenant 3 aliments et 3 couleurs… Pour les enfants, leur préférence va jusqu’à 7 aliments différents et 6 couleurs ! Cela ne doit pas vous contraindre de proposer tous les jours un Rainbow Cake ou un mezzé libanais, car la couleur de la nappe, de l’assiette, des couverts joue aussi pour la vue. Proposez des menus plutôt contrastés, jouez sur les légumes très colorés (une crème betterave-yaourt, ou curcuma/curry, des patates douces mauves…) qui sont également riches en vitamines et anti-oxydants. Et si l’enfant n’a rien contre, dressez l’assiette avec deux feuilles de salade ou un brin de persil.
Avec lui, on peut bien sûr aller beaucoup plus loin et se lancer dans le food art, mais cela demande de la patience pour disposer, admirer PUIS manger !
L’odorat compte pour 80% du goût…
ou 100% du dégoût ! Je pense aux effluves de chou-fleur bien trop cuit qui s’échappent des cantines scolaires dès 9h… Une bonne façon de convaincre les enfants de les laisser dans l’assiette.
Bien sûr, les odeurs peuvent donner envie de manger (notamment les odeurs de croissants diffusées dans la rue devant une boulangerie), mais certains légumes sont à peu cuire, ou à tester crus auprès des enfants récalcitrants !
80% de l’expérience sensorielle en bouche peut provenir des arômes, qui sont les odeurs en bouche. Faites l’expérience de goûter du chocolat le nez bouché !
Le toucher est très clivant, notamment la texture en bouche
Adultes comme enfants, nous avons des préférences pour les textures en bouche : croquant ou fondant notamment, en reprenant l’exemple du chou-fleur. Certaines textures peuvent complètement rebuter : beaucoup d’enfants délaissent les champignons, pour un dégoût d’odeur ou de texture. Cela peut être aussi le cas pour des pièces de viande grasses ou avec des nerfs [haut-le-cœur] ou [haut-le-cœur] le poireau vinaigrette .
Néanmoins, le mixé n’est pas forcément le plus satisfaisant en bouche (et c’est mamie qui vous le dit à l’EHPAD). De plus, certains enfants raffolent de légumes crus, appréciant leur croquant.
L’ouïe en bouche… et aux alentours
Je l’ai testé de nombreuses fois, les enfants adorent le craquant, croquant et croustillant ! Ce qui leur permet de réellement apprécier des bâtonnets de carotte, concombre mais aussi de navet ou de betterave, des fleurettes de chou-fleur, des radis, la croûte du pain. Et oui aussi, bien sûr, le pop corn et les chips…
Faites-leur déguster la première bouchée en se bouchant les oreilles, pour une expérience Dolby Surround.
Par ailleurs, l’ambiance sonore d’un repas est aussi partie prenante pour l’appréciation des plats. Écoutez l’épisode de Plan Culinaire à ce sujet. Là encore, l’expérience de la restauration scolaire n’est pas exemplaire. A la maison, on fera attention aux nuisances sonores pendant le repas. Et on éteindra la télé, qui ne nous permet pas de porter attention à nos sensations gustatives et de satiété.
Le goût, ça reste très très personnel !
L’appréciation de certains aliments ou sa détestation est quelque chose de très personnel. Bien sûr, culturellement nous sommes éduqués à manger certains plats typiques du pays, de la région ou de la famille. Mais ce qu’il se passe dans la bouche de chacun est intime et très personnel. Ainsi, la perception des saveurs (salé, sucré, acide, amer) est très variable en fonction de l’individu (comment sont répartis les bourgeons gustatifs sur la langue), de sa génétique et de son âge (appréciation différente au fil de la vie).
Je me permets de vous rappeler que si votre enfant boude les légumes amers (= verts pour simplifier), c’est par réflexe de survie inné, les plantes toxiques étant souvent amères. Il doit dans son enfance (ou bien après pour ma part) être guidé pour éduquer son palais à des aliments amers mais non toxiques ; à des aliments acides, mais non fermentés. Et cela peut prendre du temps.
Si votre enfant trouve que le flan de courgette est amer, il est amer, point ! Célébrez le fait qu’il sache exprimer son dégoût autrement que par beurk et retentez avec des courgettes épluchées ou un ajout de fromage ou autre.
Partagez lui aussi l’histoire de votre goût, je suis certaine que vous raffolez d’aliments qui vous rebutaient plus jeune. Cela réduira la simplification hâtive de l’enfant « Je ne mange pas de légumes » et lui permettra de ne pas l’ériger en vérité éternelle, acceptant ainsi de retenter l’expérience ultérieurement (dans un climat affectif favorable).
N’oubliez pas l’imaginaire
Tel un sixième sens, l’imagination de l’enfant peut donner une valeur symbolique à l’aliment. Bien sûr, on en use et en abuse pour leur transmettre nos bases de nutrition :
La soupe, ça fait grandir !
Finis ta viande pour avoir des muscles !
Mange des épinards, pour être fort comme Popeye !
Mais cela peut s’avérer utile pour faire manger les brocolis, tel un géant qui dévorerait la forêt ; l’avion qui rentre dans la bouche ; ou encore la purée-neige déneigée à la fourchette. Un jour une petite fille m’a dit ne vouloir goûter que les sourcils de la fleur de capucine… elle m’a rappelé dans quel monde formidable vivent les enfants, digne de la Chocolaterie de Willy Wonka !
Familiarisation nécessaire
Pour tout aliment nouveau, l’enfant dès 2 ans va exprimer une néophobie alimentaire plus ou moins forte. L’enjeu va donc être de le familiariser avec une large gamme d’aliments, pour qu’ils soient reconnus comme acceptables, mangeables, voire bons ! Ainsi, des études ont montré que l’augmentation de la consommation de légumes passe par une amélioration de la familiarité visuelle, à la maison mais aussi à l’école, dans les magasins, au marché, à la télévision. Par exemple, l’exposition d’enfants de deux ans par le biais d’un livre chaque soir pendant deux semaines à des photographies de fruits et légumes familiers ou non, a permis d’accroître l’acceptation de fruits non familiers.
Sans surprise, goûter est la stratégie le plus efficace pour réduire la néophobie et augmenter l’appréciation d’un aliment nouveau. Armez-vous de patience toutefois, 8 à 15 expositions peuvent être nécessaires chez le jeune enfant (de la diversification alimentaire jusqu’à 8 ans) pour augmenter de manière significative l’appréciation des légumes initialement rejetés.
«Les enfants aiment ce qu’ils connaissent, et mangent ce qu’ils aiment»
Lucy Cooke, du University College London, qui a publié de nombreux articles sur l’alimentation et les préférences alimentaires chez l’enfant.
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Une réflexion sur « Au secours ! Mon enfant ne mange pas de légumes… »