En avril 2021 s’est tenue dans la France entière la quinzaine Tous au compost. J’ai assisté aujourd’hui au bilan sur l’île… et je m’étonne qu’on ait ce bilan en 2021… j’aurais dit plutôt 2001. Revenons ainsi sur la situation actuelle et les gros gros enjeux de déchets à La Réunion et en Outre-Mer.
Nos poubelles enterrées
Ce sont des funérailles auxquelles personne n’assiste, détournant souvent le regard depuis la quatre voies. Il s’agit de centaines de camions poubelles chaque jour, qui jettent pas si discrètement notre poubelle sous un tapis vert.
A La Réunion, il y a deux sites d’enfouissement des déchets (ou de stockage de déchets non dangereux) : à Pierrefonds (depuis 1987) et à Sainte-Suzanne. Quand on pense enfouissement, on pense à trou et à des déchets cachés sous la terre… A La Réunion, on est plutôt sur deux Pitons Poubelles, qui sont bien visibles pour ceux qui ne les ignorent pas. Ces Pitons Poubelles sont parfois soulignés de mauvaises odeurs, ou d’envols… de jolis sacs plastiques blancs…
Dans cette poubelle, il y a donc par exemple le bracelet de naissance de Réunionnais trentenaires, ainsi que leurs milliers de couches, leurs restes de repas, la table à langer et même le matelas qu’ils ont usé, les restes de leurs jouets cachés et tout ce qu’ils ont jetés depuis 34 ans de vie, sans doute des piles, des médicaments et beaucoup de plastique.
Bien sûr, ça se tasse un peu, parce qu’il y a des déchets « fermentescibles » comme les couches, la nourriture, avec par-dessus des palettes broyées et des déchets verts pour que le tout ne s’envole pas trop… Ça fermente et ça fait du biogaz, qu’on récupère pour… traiter les jus de poubelle.
Parce que oui, je ne vous ai pas dit, mais Piton Poubelles, dans le sud, c’est en aplomb de la Rivière Saint-Étienne, et tout proche de la mer. C’est aussi en bout de course de l’aéroport, alors pour qu’un avion ne finisse pas sa course dans un casier d’enfouissement, on essaye de ne plus ajouter d’altitude à Piton Poubelles, et on remplit sur les plus vieux casiers. Et puis aussi, on dit depuis une décennie, que vraiment, il faut arrêter, parce que c’est pas durable et qu’il n’y a plus de place. Ok, bon, c’est vrai, mais c’est quand même pas bien cher, ce non-traitement des ordures, ce stockage pour générations futures, ça ne coûte que 90€/ la tonne. Alors voilà, on va remplir encore un casier par un an (soit 250 000 tonnes), jusqu’en 2025. Après ? Ben on va brûler de l’eau et du plastique, c’est tellement efficace !
Pourtant, 98 kg sont compostables
D’ici à 2024, on aura l’obligation de traiter une partie de ces poubelles autrement. C’est une grosse partie : 38% de nos poubelles, soit 98 kg par an. D’ici là, on devra donc traiter séparément les déchets verts (ce qui est déjà fait) et les déchets de table et de cuisine (ce qui n’est pas systématique chez les particuliers, et en balbutiements chez les professionnels). C’est quand même bien dommage, qu’en 2021 on jette encore le riz, le pain, les légumes, les cartons et autres dans une poubelle qui va puer et faire 80 kilomètres pour ne pas être valorisés ! Alors qu’on pourrait faire quelques mètres et le transformer en trésor brun : le compost !
Oui, c’est pas nouveau, le compost. Mais c’est clairement l’étape zéro pour débuter un potager ! Mais en fait, on n’est pas souvent formés pour s’occuper d’un composteur… pas plus que d’un poisson rouge ou d’un furet… et pourtant, c’est également vivant et ça fourmille d’organismes qui ont besoin de soin !
C’est d’autant plus vrai pour le lombricompost, que je qualifierais de petit élevage, demandant un soin et une régularité hebdomadaire. Le composteur aussi, il aimerait bien avoir visite et soin. Ce n’est pas une troisième poubelle, c’est un trésor potentiel… qui reste souvent à l’état de potentiel !
Prendre soin du vivant pour gagner le trésor
Vous vous souvenez des tamagoshis ? Il fallait les nourrir, leur donner de l’eau et même enlever leur caca. Pour rien : zéro caresse, zéro œuf, rien qu’un divertissement électronique. Notre composteur a des besoins, mais il vous le rendre bien, garantissant la fertilité du potager et la santé de vos plantes.
Alors en échange, on peut le considérer un peu, non ? Pour cela, 5 conseils pour bien soigner son composteur et produire un joli compost :
- Un composteur, ça boit ! Et même beaucoup, s’il n’est pas à l’ombre ! La plupart des composteurs que je visite sont trop secs. C’est donc une poubelle à paille, qui reste des années sans évoluer. On s’impatiente et on n’en tire rien. Pourtant, la vie a besoin d’eau, d’un taux d’humidité convenable et assez stable ! Cela peut se faire via les épluchures, mais ce n’est pas suffisant. Je vous conseille donc d’ouvrir votre couvercle lors des grosses pluies, et puis en saison sèche de l’arroser. Ben oui, on donne de l’eau potable à notre composteur, mais c’est la condition sine qua non de son rendement !
- Un composteur, ça mange… mais ça n’a pas de dents ! Alors il va falloir prémacher un peu le travail. Les puristes découperont les épluchures en petit. Pour ma part, je triture seulement le carton et les branches, pour faciliter sa digestion et son retournement. Dans l’absolu, le composteur peut digérer tout ce qui est organique, c’est-à-dire issu du vivant. Toutefois, pour les os, les cheveux, les noyaux, les branches, il va falloir leur imposer plusieurs tours de digestion, car ils sont bien résistants !
- Un composteur, ça mange équilibré ! 5 fruits et légumes par jour, c’est vous qui voyez, mais l’équilibre qui nous intéresse est celui de l’azote par rapport au carbone. On vise un apport d’un tiers d’azote : ce qui est vert, humide, les feuilles et tontes fraîches, les crottes, les épluchures et mauvaises herbes fraîchement arrachées. Et à équilibrer par 2/3 de carbone : ce qui est marron, sec, la paille, le carton brun, gris ou alimentaire, le broyat de déchet vert, les petites branches, les rouleaux de PQ, le papier, le bois, les feuilles mortes. Comme pour un jardin en lasagne, on va apporter cela par couches, ce qui a l’intérêt aussi d’absorber les jus et de limiter les moucherons. Idéalement, on commence par une bonne couche de carbone, et on commence à stocker du carbone à proximité du composteur, pour maintenir l’équilibre à chaque apport. On peut aussi faire un petit lit de broyat ou de feuilles dans le bio-seau, ça évitera les désagréments de stockage intermédiaire dans la cuisine.
- Un composteur, ça respire ! Oui, sachez qu’en anaérobiose (absence d’air), on va vers la fermentation, qui peut dégager de mauvaises odeurs et des gaz à effet de serre, notamment le précieux azote qu’on préférerait apporter à nos plantes. On va donc faire en sorte que les parties du compost respirent bien, notamment en apportant des éléments structurants, remplis d’air (du carton, des boites à oeufs, des petites branches, du carbone donc) pour limiter le tassement. On va aussi remuer le compost chaque mois, et puis le retourner pour qu’il puisse faire sa maturation, après la digestion !
- Un composteur, ça chauffe ! Et pas au soleil ! Quand on retourne un compost, ou qu’on farfouille dedans, on sent une réelle chaleur (de 50°C à 70°C). Cela arrive si l’équilibre carbone/azote est respecté et si l’air peut circuler. Et cela a un grand pouvoir : celui de stériliser le compost, que ce soit les graines des mauvaises herbes, les maladies des plantes ou encore les crottes de chien, voire d’humain ! Le retournement du compost permet d’assurer que la périphérie puisse monter en température et permet une uniformisation du rendu, le trésor brun, donc !
Alors, c’est quand que vous réduisez votre poubelle ? Que vous adoptez la bête ?
98 kilogrammes de trucs qui puent et qui fuient dans votre poubelle n’attendent qu’un composteur pour vous donner le meilleur d’eux-mêmes !