Les 10 fonctions d’un jardin potager

Forte de mes visites et rencontres à La Réunion, en métropole et au Québec, j’ai voulu lister les différentes fonctions d’un jardin.

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Ce n’est peut-être pas complet, je m’en remets à vos commentaires ! Et c’est assez orienté : cette liste s’intéresse surtout aux jardins potagers et aux jardins dits collectifs, dans un quartier. L’accent est mis sur les apports d’un jardin de ce type au quartier et à la société en général. Il s’agit un peu de faire la promotion du jardin à l’élu municipal, au bailleur social ou au propriétaire d’un terrain qui peut être mis à profit pour la communauté.

Les 10 fonctions possibles d’un jardin

  1. Fonction hédonique : l’esthétique est une des premières fonctions pour le jardin situé devant la maison à La Réunion, dit jardin d’apparat, par opposition au jardin utile, à l’arrière de la case. Le jardin (à la française, à l’anglaise ou à la one again 🙂 …) est un lieu d’agrément pour nos 5 sens (couleurs et formes, odeurs, textures et fraîcheur, chants d’oiseaux et bourdonnements, multiplicité des saveurs et des arômes). Pour ses propriétaires et aussi pour les passants ! C’est aussi un remède à la minéralité d’un quartier et à la monotonie d’une cour, puisque différentes plantes vont pouvoir fleurir au fil des saisons. Au Québec, en deux mois de vie citadine, j’ai assisté à la floraison des tulipes, des primevères, du muguet, des pensées, suivis des lilas puis des pivoines et maintenant des roses.
  1. Fonction vivrière: le potager est une source d’aliments sains et diversifiés, qu’elle soit prépondérante ou anecdotique dans le « panier de la ménagère ». Le jardin peut apporter ainsi une certaine autonomie alimentaire à chaque ménage, ne serait-ce que pour les fines herbes et salades par exemple. On considère qu’un jardin de 100m² permet de nourrir une famille, pour ce qui est des fruits, légumes et grains (légumineuses). Certes, le jardin n’est plus aussi important et rentable économiquement qu’il a pu l’être au XIXe siècle ou pendant la guerre, face à la monétarisation et une certaine « boboïsation » de ce loisir. Toutefois, pour les ménages modestes, qui n’achètent ni semences ni engrais et se basent sur un système d’échanges, le potager peut apporter une source d’aliments frais assez chers par ailleurs ou difficiles à trouver[1]. Par ailleurs, ces aliments sont maîtrisés dans leur mode de production. Si on parle de plus en plus de responsabilisation de l’acte d’achat, avec un potager on est un cran au-dessus : on produit soi-même ses aliments pour en assurer la qualité. Ainsi, pas de produits chimiques, pas d’exploitation de main d’œuvre illégale, pas de milliers de kilomètres parcourus.
  1. Fonction occupationnelle : On pense bien sûr au loisir des retraités, mais cette fonction me paraît plus large. En effet, le jardin représente une activité extérieure quotidienne ou hebdomadaire pour permettre à chacun (adolescents, adultes handicapés, malades, personnes âgées, détenus ou encore chômeurs longue durée) de retrouver un rythme et une insertion sociale puis professionnelle.
  1. Fonction écologique : Le jardin est une source de biodiversité, un habitat ou un refuge, une aire d’alimentation, pour les pollinisateurs, mais aussi pour une faune plus grosse (je pense notamment aux tulipes de Petronella qui nourrissent les chevreuils en fin d’hiver…). C’est aussi un lieu de reproduction ou de conservation d’espèces notamment le Bois de Senteur blanc, quasi disparu des forêts réunionnaises. Hélas, c’est aussi un gros vecteur introduction d’espèces envahissantes (les fuchsia pour ne citer qu’un taxon).
  1. Fonction thérapeutique : le jardin comme lien avec la nature, le cycle des plantes, le rythme des saisons, les senteurs évocatrices… comme remède scientifiquement prouvé contre la dépression. Le jardin peut palier aussi au déficit de nature, de plus en plus fréquent chez les enfants… C’est aussi le lieu où l’on cultive ses tisanes, arrow-root, plante Efferalgan, et autres plantes médicinales.
  1. Fonction thermique : dans les zones tropicales, le jardin, potager ou non, mais vert et arboré rafraîchit la maison et apporte une ombre salutaire à la cour (le manguier ou le pied de letchi !) et bien souvent à la rue, par débordement (du bougainvillier ou des palmiers multipliants). Je vous conseille à ce propos le guide du CAUE de La Réunion. À l’échelle du quartier, le jardin pourra permettre d’atténuer un îlot de chaleur urbain.
  1. Fonction militante : on note de plus en plus le jardin comme forme de revendication politique. C’est une revendication pacifique et productive ! Elle vise souvent la préservation du bien commun et la valorisation de l’espace public (Incroyables Comestibles, lutte pour la légalité des semences fermières…).
  1. Fonction de lien social : le jardin, s’il est ouvert à tous et respecté de tous, est un beau lieu de vie, vert et ombragé, agréable à fréquenter. Avec un peu de mobilier disponible, il devient lieu de détente ou de réunion des habitants et vecteur de socialisation entre jardiniers et avec les autres visiteurs.
  1. Fonction d’intégration socioculturelle: je vois de plus en plus le jardin comme une vitrine de la richesse multiculturelle d’un territoire, d’un quartier. Il permet d’illustrer les particularités de chaque communauté (selon l’origine ou la classe sociale), par la diversité des modes de culture, des espèces cultivées et donc de l’alimentation de chacun.
  1. Fonction éducative : cette fonction est elle-même multiple… Je crois qu’on peut tout apprendre à travers le projet d’un jardin !
    • Vie des plantes : découvrir les besoins et le cycle de vie des plantes ; explorer la biodiversité utile au jardin et les propriétés d’un sol fertile.
    • Pédagogie générale : le jardin comme prétexte pour faire des maths, de l’anglais, de l’art, de l’histoire…
    • Éducation alimentaire: découvrir l’origine des aliments, les parties comestibles de chaque plante et explorer avec ses sens un (nouvel) aliment tel une fine herbe. Élargir son répertoire alimentaire comme un gage d’une alimentation diversifiée.
    • Éducation à l’environnement: le jardin comme exemple pour parler de la ressource en eau, de la biodiversité, de l’utilité des insectes, du compostage des matières organiques, etc.
    • Gestion de projet: le jardin comme un projet d’école, d’association ou d’entrepreneuriat, pour développer la responsabilisation, l’entraide, la démarche de mise en place d’un projet puis sa gestion quotidienne.
    • Insertion professionnelle: le jardin comme base d’apprentissage d’un nouveau métier et (re)démarrage d’une vie professionnelle, mais favorisant aussi l’estime de soi.

Et l’argent dans tout ça ?

Je n’ai volontairement pas explicité la fonction économique d’un potager, au sens d’une activité maraîchère profitable… Notamment car le code rural français ne prévoit pas les jardins en ville pour une activité économique. Les jardins sont davantage récréationnels même s’ils ont une fonction vivrière et ne viennent pas concurrencer les exploitations agricoles rurales ou périurbaines. Par ailleurs, je m’intéresse davantage au jardin en ville car je crois qu’il peut cibler une population plus éloignée de l’alimentation et de la production agricole.


[1] Au Québec, une expression est souvent utilisée par les nutritionnistes, celle de « désert alimentaire ». A la différence des déserts médicaux français, ces déserts ne se limitent pas à la campagne. Le terme désigne tout territoire ou quartier où il est impossible de se procurer des aliments frais et non transformés. On peut citer par exemple un quartier défavorisé où prédominent les fast-food et épiceries de produits transformés. Cette situation me semble absente à La Réunion, où subsistent encore des marchands de fruits et légumes dans les quartiers, à un prix correct.

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